mercredi 20 juin 2007

Le Bordel

Sur le chantier s'activent environ 30O vietnamiens et vietnamiennes. Ils le font vivre. Ils colorient de leur uniforme bleu le gris de la terre, de la poussière et du béton frais
...et puis vient la pluie , et tout s'éclaircit...

Le matin, le ciel sourit. Le soleil chauffe la terre et il charge l'air d'humidité, jusqu'à le saturer.
L'après midi, les nuages s'élèvent, montent comme des aérosols, ils menacent, puis ils grondent,
...et puis vient la pluie, et tout s'éclaircit...

Sur le chantier 300 vietnamiens et vietnamiennes vivent, mangent, digèrent et chient.
sur le chantier il y a une toilette pour 300 ouvriers.
... et puis heureusement vient la pluie et tout s'éclaircit...







ça grouille, ça fourmille, ça glande, ça fait la chaîne pour déblayer un tas de terre.
ça rigole, ça se frappe, ça vous regarde avec un sourire de travers.
ça mets jamais de chaussure pour marcher dans la boue.
ça travaille 290 jours par an.
ça est travailleur.
ça est courageux.
Les 300 bonhommes bleus avec des casques jaunes vivent sur le chantier, ils construisent leur avenir. Leur future ville est à l'image de leur envie d'ascension sociale; des tours en chantier pointent leurs aciers vers le ciel.

Parfois je me demande bien ce que je fais là.
...et puis vient la pluie, et tout s'éclaircit...

Hué - culture parfumée























Une rencontre ça peut se faire n’importe où.
Mais dans un aéroport entre 2 avions ça fait bien film américain – « ladies and gentlemen your attention, please… » - Surtout quand la demoiselle parle à sa peluche Pluto et se photographie avec. – « The flight eight, one, five, five, one, six is delayed… » - Le tableau risible, je lui demande si elle désire que je la prenne en photo avec sa petite peluche.- « … about one hour. We are sorry about… » - Je prends son appareil et clique : c’est dans la boîte, on a passé le week-end ensemble à visiter sa ville natale.

Ce que je m’en vais vous détailler.

Hué : capitale culturelle du Vietnam, regorgeant de trésors, meublée d’histoire, réveillée par les sonnettes des vélos et encore bercée par les pousse-pousse. Cette douce ville plate prend place dans les sinuosités de la rivière aux parfums. Elle est le lieu de la dynastie Nguyen qui engendra une ribambelle de descendants ( a raison d’une centaine de femmes par rois, ça facilite la descendance mais pas la condescendance : les heureuses mamans étaient « tirées » au sort pour passer la nuit avec le roi). Du coup on croise dans la rue des ch’tio ch’tio fistons du roi. Peut-être est ce pour cela que les femmes de Hué sont réputées être les plus belles du pays…

Les femmes y sont belles, y sentent bons, y cuisinent bien mais… il y a des canons de beauté que le temps rend immonde. Nos grasses femmes à petits seins exposées au Louvre n’attirent guère plus que les passionnés des beaux-arts frustrés. Au Nord du Vietnam, les jeunes femmes avaient pour coutume de se faire un sourire noir. Chaque dent était dévitalisée et laquée de noir. Comme vous connaissez mon charme inouï qui fait craquer les mamies, j’ai eu le droit à des jolies démonstrations de dentitions presque intactes sur des octogénaires décrépites dont la vue d’un blanc a du raviver quelques émotions d’antan où les français colonisaient plus que le territoire.

Les traces des colons tendent à s’effacer par la « colonisation » culturelle actuelle, l’américanisation. Toutefois il reste des vestiges : les deux rives sont soudées par un pont métallique dessiné par Eiffel, la citadelle à la Vauban rappellerait presque Lille s’il n’y avait ces lotus, ces flamboyants, ces durians, et toutes ces décorations noyées de rouges dans un bleu que les jaunes aiment.

… la suite bientôt.

samedi 9 juin 2007

Le sourire de l'objectif

Ma pudeur m'empèche de prendre des clichés.
Pourtant, connaissant mon goût pour le kitsch, le lieu est bien choisi.
Mais dévisager des portraits c'est autre chose.
Il me paraît plus aisé de poser en marcel devant le "Palacio Danieli" à Venise que d'être borgne derrière l'objectif. Du coup pas de clichés de portraits clichés.

Pourtant il y a de la matière.
Les yeux tachés de blanc, rongés par la cataracte, ridés d'extrème vieillesse, ce petit vieux au visage éprouvé par le temps me sourit une fois le billet dans la main.
La vendeuse de tissu qui quitte son chapeau chinois pour me vendre - toujours au meilleur prix - les plus belles étoffes de cholon.
La jolie jeune fille, au regard un peu trop instant, pas assez vêtue, sans doute monnayable.

...
Tout cela, je n'ose pas vous le photographier.


Je sirotais le coca-cola dans la petite chaise en plastique - même modèle que l'école maternelle de maman , qui sert uniquement à avoir le cul décollé du sol - quand mon gros appareil interloqua deux fillettes. Elles stoppent, me fixent et attendent. Moi, gêné, je le prend en main et braque vers elles. Elles se préparent, mains dans les cheveux, les doigts en V, comme si cette photo allait faire le tour du monde, être vue par des millions de personne sur mon blog. Et malgré leur demande explicite de se faire tirer le portrait, je sens encore une rétissance chez moi à photographier des inconnues.
J'obéis, zoom, mise au point, clic.
Je l'ai fait pour leur faire plaisir, mais maintenant la non-spontanéité de cette prise m'a convaincu du bonheur que peut transporter un appareil photo. Il donne un rôle. Tout dépend si ceux qui le joue en on envie ou non.