jeudi 28 février 2008

Être catholique au Vietnam, j’ai essayé pour vous

Au Viet Nam la famille c'est sacré!

Il faut déjà se sentir minoritaire, 10% de la population. A Ho Chi Minh 30% de 8 millions ça fait quand même 2 400 000 pratiquants; car ici lorsque l' on est croyant, on est pratiquant. A croire qu’ils sont friands d’hosties vu le nombre de têtes qui se pressent à l’entrée de l’église aujourd’hui. Mes cheveux châtains dénotent parmi ce tapis de crinières noires, je pénètre dévisagé par la foule dans le lieu sacré déjà bondé 15 minutes avant l’office. Les gens ne sont pas endimanchés, mais ils ont quand même vêtu leurs belles paires de claquettes.
J’observe l’architecture rose, les vitraux sont troqués pour des fers forgés mais la ventilation est insuffisante. On commence à transpirer ce qui étend l’attente. Le soleil couchant diffuse du mystique. Les lustres sont surmontés de ventilos dont la mise en rotation annonce le début de la messe. Les grelots résonnent, la séance commence…

Là, coup classique pour le début, un monsieur en toge rouge se pointe et dit un truc au public pendant 2 minutes. Ca devait pas être pas une blague, car les gens n’ont pas ri, ou alors il fait toujours la même et ils la connaissent par coeur. Ensuite l’assemblée répond d’une seule voie un truc du genre « oui bonjour aussi ». Puis ils se mettent à chanter sans même lire les paroles sur une télé, sans même un accompagnement MIDI (c’est la première fois que je vois ça au Viet Nam !). Le christ illuminé de néons semble danser, les bras levés pour faire coucou à la foule de camarades venus prier. Alors on prie : debout, assis, debout, assis, à genoux, debout, à genoux. Un bon rythme pour éviter les fourmis dans les pieds.
Sainte-Marthe est rafraîchit par le tourniquet du ventilateur, elle peut continuer à écraser le dragon à cornes vertes et roses. Quand soudain le noir complet ! Les ventilos finissent leurs courses. Plus aucun bruit dans l’église : intervention divine par coupure de courant. Personne ne s’affole. En effet c’est habituel, Dieu intervient régulièrement. Alors on continue bien gentiment à prier avec les klaxons en arrière fond. Toute une ambiance visant le spirituel, développant le mystique… Dieu existe, c’est sûr ! J’entends ses appels à présent. Je les pensais moins automobiles.
Je me retrouve plonger dans une obscure moiteur à partager les prières des Vietnamiens. J’imagine leurs espoirs, leurs aspirations, leurs craintes. Je pense au petit garçon à mon côté, à ce qu’il peut bien penser. Dans sa tête tout se dit en vietnamien. J’entends toutes les pensées comme une cacophonie religieuse. Je me dis que s’ils croient en Dieu c’est bien que ça doit les aider à quelque chose.
Puis la lumière électrique fut.

lundi 25 février 2008

La petite vendeuse de Durian

La chaleur mouillée exalte et transporte les odeurs comme si le vide humide était plein d’invisibles aérosols parfumés.

Ballons de lavande, bulle de thym, boule de romarin… senteurs prégnantes de notre gastronomie (ou de nos chaussettes) dont les volutes nous chatouillent les nez, pourraient bien paraître rebutantes aux petits pifs vietnamiens.

Pour comprendre il suffit de transposer la scène qui suit.

Elle, accroupie au milieu de ses denrées odorantes disposées à même le trottoir, à suffoquer de la brise chaude expulsée des moteurs alentours,

La petite vendeuse de durian attend protégée des infâmes effluves noires grâce à son bouclier anti-puanteur répandu sur son trottoir.
Son étale stratégiquement positionnée au feu rouge, la guirlande de motos stationne en flamand rose.
Ses yeux ne comptent plus, tandis que les motards scrutent le décompte du feu.

Je lâche mon frein et j’inspire une bonne bouffée de gaz carbonique avant de reprendre mon apnée.

Croisement de regard.
J’échange un sourire niais dont j’ai le secret, quand tout à coup…

Mes abondants poils de nez m’annoncent de la présence d’un corps étranger à proximité. Mes narines se plissent. Je voudrais les fermer mais je n’ai pas les muscles pour le faire ; de tout façon j’ai trop de poils pour que l’opération soit bien hermétique.
Ma mine déconfite par l’odeur infecte comparable aux fragrances diffusées par l’arrière-train de mon chien. (Pardon Caramelle mais c’est vrai, tu flatules).

Elle, sourire d’incompréhension : comment se peut-il que mes fruits ne le fassent fantasmer ? Comment mes arômes aiguisés ne séduisent-ils pas à ce bel éphèbe occidental ? Succombera-t-il un jour au virus de l’intense plaisir caché sous ces piques verts ?

Le durian : 3 à 5 kilos de parfum Jean-Paul Gauthier local, ovoïde verdâtre qui renferme l’équivalent vietnamien de la gelée royale, pâte jaune, molle comme du beurre, qui goûte bon le camembert. C’est le festin que le Vietnam s’arrache. Une famille est prête à l’endettement pour savourer la douceur visqueuse de la pulpe aux relents d’ail. Plus le fruit mûrit, plus la senteur putride et nauséabonde se répand.

Ma rue compte l’une des plus grandes étales de la ville, ainsi chaque matin sur le petit chemin du travail, je peux profiter pleinement du thiol, ce composant sulfuré qui pue plus que mes pieds.


Ballons de vomi, bulles de putois, boules d’égouts …
L’apprentissage du goût est incroyablement régional… et même familial.