lundi 26 mai 2008

POGO

Mon voisin me dit : « Lève les bras ! C’est comme ça qu’on danse sur du hardrock ! » Lui et sa copine en escarpin assistent pour la première fois à un concert en pleine air au milieu de 3000 personnes. La foule est complètement statique sauf quelques bras qui remuent. Mais quand le chanteur, après 10 minutes passées noyer dans ses cheveux, s’approche enfin du micro et HUUURRRRLLLE ses tripes, les pré-pubères vietnamiens en quête de rebellions ne peuvent contenir leurs pulsions. Alors tous les bras se lèvent. La frénésie des poings tendus libère un instant du joug parental. Alors on gueule tout ce qu’on a dans la gorge ! …mais avec les jambes bien raides, tout est bien statique, aucune bousculade, les gens sont bien rangés avec un entraxe de 70cm par personne. Surtout pas de cohue. C’est donc une dance hardrock anti-anarchique que mon acolyte tente de m’apprendre.

Et puis je suis là, moi, hilare. Je pense qu’il est de mon devoir d’apprendre le pogo à mes camarades de danse à bras. Tout d’abord je sautille sur place en levant alternativement les mains ; « fais comme moi ! » il sautille dubitatif. Ensuite je saute suivant la pulsation, et puis je tente le contact avec les coudes en avant. « Le démon satanique du hard a investi son corps ! » pensent-ils. Il me faut une bonne heure pour provoquer un premier pogo avec une dizaine de boutonneux. Les autres ne comprennent pas. Et puis quelque chose craque. Les jambes commencent à bouger. Les racines sous les pieds de mes voisins se fissurent. La violence du rock détruit les conventions, éclate la promiscuité réglée en un chaos de contacts. On se fait pas mal, pour la première fois on se rentre dedans sans raison, avec un sourire qui excuse la sueur et la boue projetée. Une déraison passagère libératrice, un vice momentané, des douleurs expiatrices (c’est pas trop bouddhiste ça, je crois).

Et puis un journaliste immortalisa la scène, un grand merci à ses personnes qui risquent leur vie pour témoigner du présent !

Circulaire A235 Décret du 20/05/2002


Si votre secrétaire est vietnamienne et qu’elle utilise excel, si vous ne pouvez lire le vietnamien et que la circlaire A235 est primordiale, si elle parle un anglais approximatif et si elle avoue qu’elle n’est pas une lumière en math alors, soudainement vous pouvez être amené à avoir un mal de tête lancinant.

Je regarde posément les 2 pages de calculs aboutissant à son commentaire puis la fixe de mes yeux globuleux d’incompréhension. She says : « the net is 360 000 $ but the gross is special vietnam, what is the net with the gross ? » . Je commence donc à décortiquer le calcul ; donc elle a posé X = net + VAT et Y = Gross + CIT. Elle appelle Gross1 le Y+VAT et elle cherche à exprimer le net par le gross suivant cette putain de circulaire. Donc en partant du postulat qu’elle sait lire correctement le vietnamien et qu’elle interprète à sa manière le texte mais d’une manière acceptable, en posant l’hypothèse que je comprenne le but de sa requête et qu’elle parvienne à traduire assez fidèlement son problème, en analysant les 30 minutes déjà écoulées à écouter et décortiquer la signification des lettres rayées à côté des chiffres réécrits 5 fois, je peux et je suis ravi d’annoncer que, au Vietnam, le net est exprimable en fonction du gross par la formule hautement élaboré suivante : N = 0,9 x G, cqfd.

Ah ya pas à dire ça sert un ingé français.

jeudi 1 mai 2008

Etre blonde

Les « hot toc » (= enleveurs de cheveux) sont nombreux et diversifiés à Ho Chi Minh.

Pour 15 000 VND la coupe avec lavage gratuit des oreilles à la mini balayette. Bien évidemment à ce prix pour avoir pignon sur rue, il faut travailler … dans la rue et retirer « le pignon » quand les flics arrivent.

L’alternative à 60 000 VND c’est mon voisin : haut capilliculteur spécialisé en coloration de cheveux noirs, et par la même en décoloration. Il teste lui-même ses produits par un magnifique banc d’essai multicolore sur son cuir chevelu. Autour de lui ses 6 assistantes escortent les clients en arrière salle pour le lavage-massage des touffes déjà coupées ; oui car ici on lave après la coupe. Mais que c’est rasoir d’être allongé, le crâne pétri pendant une heure par une ignare qui se sent obligée à chaque fois de m’énoncer les 4 phrases d’anglais qu’elle débite à tout les blancs : « where do you come from ? how old are you ? have you got a girlfriend ? me no. » Alors durant ce temps je rêvasse. Je m’imagine lui demander une coloration noire, me faire brider les yeux au Centre Médicale Internationale par François-xavier, apprendre le vietnamien en 1 minutes pour pouvoir enfin lui dire : « arrête de frotter au même endroit tu m’irrites ». Mais non cette masturbation crânienne n’a pas fait jaillir un seul mot de vietnamien qui eut pu me permettre d’interrompre poliment ses gratouillis. Je me suis levé et suis retourné en salle pour le séchage. Mais là…

La coupe n’était pas finie. Enfin, presque. Devant la réussite de son beau dégradé de ma nuque, le coiffeur veut immortaliser l’instant. 4 téléphones portables sont dégainés : devant , derrière, les côtés. Pendant cette interminable séance photo mon cuir chevelu à commencer à se transformer ! Il me semblait devenir blond. Moi, là, à poser en souriant bêtement, incapable de prononcer une parole réceptible. Mon QI chuta parallèlement à la décoloration spontanée, tandis que mon coiffeur continuait à couper pour être photographié en pleine action. Et les photos continuaient, et le coiffeur coupait, et mes cheveux blonds raccourcissaient jusqu’à… ce qui continue un peu trop. Et voilà, un trou au bout de la raie de mon crâne.

Je vous assure qu’être blonde au Vietnam, il faut le vouloir.