dimanche 9 septembre 2007

Brève vietnamienne

Je salue cette vieille femme vêtue de blanc. Elle me répond « boozoul mosieu ». Il fait nuit, pourtant elle conserve son bonnet bleu ciel dans la maison. Elle reste distante dans le coin de la pièce. Elle semble être énervée, excitée, un peu malade peut-être. Son visage est largement dissimulé par ses grosses lunettes noires qui ne laissent pas apercevoir ses yeux.
Elle bougonne en vietnamien, elle semble se répéter.
« Bonsoi môssieu » reprend-elle. Par politesse je sourie en réitérant quelques syllabes vietnamiennes de courtoisie. Lorsqu’elle m’interrompt et me dit :
« Commen ça va ? »
Peut être comprend elle bien le français ? Je réponds de manière plus décontractée, pensant qu’elle devait avoir un problème aux yeux ou une maladie quelconque.
« Bonsssoiii Môssiiieu, comment allez vous ? » Elle fournit tant d’efforts pour articuler, pour se rappeler, ça devient gênant et touchant.
« Bonsoi messsieu, comment allez vous ? » me répète elle.
Je suis embarrassé je n’arrive pas à savoir comment la contenter, comment dialoguer.
Les personnes à côté ne semble pas se soucier de sa différence, alors je dois faire de même.
Au bout de la dixième fois on m’explique.
Et voici son histoire.

Elle était la plus belle fille de la famille, la plus brillante, descendante directe de roi. Elle apprend le français et le parle très bien. On la courtise forcément. Elle s’éprend d’un homme. Elle l’aime éperdument. Elle l’aime à en perdre la tête. Mais cet homme n’est pas au goût de sa mère. Il faut se marier avec quelqu’un que les parents apprécient. La famille c’est important. La famille décide. La famille ne veut pas de cet homme. La belle jeune femme ne veut pas se soustraire à la dictature familiale, elle aime. Elle refuse. Mais sa décision n’a pas de poids.
Et elle est devenue folle. Folle d’amour.
Et depuis il semble que rien n’est changé.

vendredi 7 septembre 2007

La diseuse de bonne aventure

On croit que c'est peut-être possible.
Mais on veut pas trop y croire quand même.
Si c'est bon, on veut bien y croire.
Mais si c'est trop bon, on y croit plus.

Vous désirez un avenir de rêve?

Alors j'ai deux secrets pour vous.

Premier secret:
Allez voir une diseuse de bonne aventure, de préférence Vietnamienne, et de préférence au Vietnam.

Deuxième secret:
Piocher les bonnes cartes...


Nous étions, ma secrétaire et moi, nous tournant les pouces sur le chantier en pleine après-midi, lorsque la mégère commence à me confier qu'il faudrait que j'aille voir une diseuse de bonne aventure que elle y va toutes les 2 semaines. Je lui répond que "non, je n'y crois pas. Je ne vois pas pourquoi mes mains traduiraient l'espèrance de mon compte en banque à dépasser le milliard (nous comptons en Dong bien évidemment), et que je connais déjà la dame de trèfle qui a piqué mon coeur..."
"Mais non mon petit Antoine", elle a pris pour habitude de materner tout le monde depuis sa montée de lait pour sa fillette, " il faut faire le tri dans ce qu'elles annoncent!"
"Ah bon?! ben .." m'interloquai-je moqueusement de savoir comment la prédiction serait correcte ou non.
"Vient je t'emmène, ça coute 30 000 dongs (1,5 euros)"
...
Nous voilà arrivés à bon port chez la "chiromancienne-cartomancienne-capillocultrice". La coiffeuse d'un cinquantaine de balais était entrain de s'apprèter en s'activant à faire mousser sa propre crinière. (Les coiffeuses jouent souvent à la coiffeuse quand les clients tardent). Par conséquent nous devons patienter au première étage. Après quelques marches j'entends une douce mélodie nasillarde qui annoncait le supplice du karaoké en salle d'attente. Assis par terre, un vieux maigrichon chantonnait des chansons à l'eau de rose auxquelles le parfum du shampoin provenant du rez-de-chaussée amorcait déjà la nausée.
Une demi-heure d'exaspération musicale a suffit pour que je veuille bien croire tout ce qu'on me dit pourvu que la vielle peau deigne estomper sa saudade à la fleur de lotus.

L'angoisse prend feu. Et si le surnaturel existait? Et si j'allais être dénudé par cette inconnue? Et si elle me prédisait vraiment mon inconnu? Et pourquoi je suis ici à vouloir connaître mon avenir? Et qui aurait pu prédire que je vienne au Vietnam me faire prédire ma destinée? Et qui je suis moi, en fait?
L'effet salle d'attente a bien fait fonctionner mon introspection. Juste ce qui faut pour être réceptif aux augures. Juste ce qu'il faut pour que l'énoncé vague puisse prendre un sens et créer espoirs et doutes.

Le chignon arrangée, les jambes croisées, en face de moi la dame me prie de lui montrer mes mains.
"Ah.. ouf, je suis quelqu'un de bien.."
"Je vis loin de mes parents, mais tout le monde m'aime. Même si je suis loin.." Jusque là tout va bien.
"Je veux être indépendant, j'ai un caractère autonome..." Un peu facile pour un expat.
" J'ai peut-être une soeur et un frère. Peut-être plus jeune? non?"
" Je vais monter ma boîte à 30 ans, et je vais me marrier. Elle aura 7 ans de moins que moi et sera française. J'aurai 2 beaux enfants, une fille et un garçon."
" Bien sûr je serai riche."
" Et naturellement je vivrai vieux" mais ça j'ai du temps, on verra plus tard.
...Mais...
" Je vais avoir un accident avec ma moto. Et ce dans les 3 mois à venir!"
"où? à la jambe? Ah bon? ".... merde! c'est sans doute la profécie de la dernière fois lorsque papa est allé voir une diseuse de bonne aventure qui revient! Zut j'y avais échappé la première fois! AHHHHHH !

Bon 1,5 euros, ça fait pas cher le compliment.

En repartant ma secretaire m'interrogea: alors? alors, est-ce vrai? .... ah, bon?... non?...ohh elle est pas très forte pour les étrangers...

Vous désirez un avenir de rêve? Pour les prédire il faut déjà les connaître. Imaginez vous prédire à une vietnamienne de 50 ans ce qui va lui arriver. Lui montrer fermement une carte en croyant dur comme fer que le 7 de pique ne trompe pas, elle va se remarier avec quelqu'un de 7 ans plus jeune qu'elle. Oseriez-vous imaginer ses rêves?

L'expérience ne m'a pas convaincu, mais m'a apporté mieux. J'ai réfléchi à ce que je voulais devenir, et ce que je voulais qu'on me prédise. Elle m'a apporté des envies.

lundi 3 septembre 2007

Pyjama party

26 ans que j'attends ça,

voilà c'est fait ma première Pyjama viet party!



A savoir: les femmes vietnamiennes des villes ont troqué l'habit traditionnel pour une mode plus ... comment dire... "fleurie". Ca ressemble à un pyjama, ça a la coupe d'un pyjama, ça a la texture d'un pyjama, mais c'est la tenue des ménagères de 25 à 95 ans. Les greniers de Cholon fournissent des imprimés animant une compétition pour laquelle aura le plus bariolé.

A Saigon, il est de bon ton de porter du fushia avec du marron sur un motif bleu ciel, avec forcément quelque pétales verts de ci de là



L'habit se porte facilement et, très pratique en soirée, se retire très facilement. Malgré ma passion pour les pois, j'ai revêtu ce soir là ma tenue rose d'apparat à petit noeud près du corsage ( ce qui souligne doucement la texture poilue du torse, agrément rare en ces contrées).

Je vous laisse savourer le patchwork.