Mon voisin me dit : « Lève les bras ! C’est comme ça qu’on danse sur du hardrock ! » Lui et sa copine en escarpin assistent pour la première fois à un concert en pleine air au milieu de 3000 personnes. La foule est complètement statique sauf quelques bras qui remuent. Mais quand le chanteur, après 10 minutes passées noyer dans ses cheveux, s’approche enfin du micro et HUUURRRRLLLE ses tripes, les pré-pubères vietnamiens en quête de rebellions ne peuvent contenir leurs pulsions. Alors tous les bras se lèvent. La frénésie des poings tendus libère un instant du joug parental. Alors on gueule tout ce qu’on a dans la gorge ! …mais avec les jambes bien raides, tout est bien statique, aucune bousculade, les gens sont bien rangés avec un entraxe de 70cm par personne. Surtout pas de cohue. C’est donc une dance hardrock anti-anarchique que mon acolyte tente de m’apprendre.
Et puis je suis là, moi, hilare. Je pense qu’il est de mon devoir d’apprendre le pogo à mes camarades de danse à bras. Tout d’abord je sautille sur place en levant alternativement les mains ; « fais comme moi ! » il sautille dubitatif. Ensuite je saute suivant la pulsation, et puis je tente le contact avec les coudes en avant. « Le démon satanique du hard a investi son corps ! » pensent-ils. Il me faut une bonne heure pour provoquer un premier pogo avec une dizaine de boutonneux. Les autres ne comprennent pas. Et puis quelque chose craque. Les jambes commencent à bouger. Les racines sous les pieds de mes voisins se fissurent. La violence du rock détruit les conventions, éclate la promiscuité réglée en un chaos de contacts. On se fait pas mal, pour la première fois on se rentre dedans sans raison, avec un sourire qui excuse la sueur et la boue projetée. Une déraison passagère libératrice, un vice momentané, des douleurs expiatrices (c’est pas trop bouddhiste ça, je crois).
Et puis un journaliste immortalisa la scène, un grand merci à ses personnes qui risquent leur vie pour témoigner du présent !
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